J'aurai pu faire un bilan synthétique de cette année écoulée. Combien de milles parcourus, combien d'escales, combien d'heures de voile et de moteur, bilan financier ... etc... je le fais quotidiennement à travers le journal de bord, mais cela ne reflète pas la philosophie que nous voulons imprimer à notre escapade.
Il y a tant de choses à raconter, à partager.
A travers ce blog, j'essaie d’insuffler l'esprit de ce que nous vivons depuis un an maintenant. Avec un découpage par escale, je tiens à jour le fil de notre aventure dans les faits et ressentis les plus marquants.
Il y a milles et une petites choses que j'aimerai, également, livrer à votre curiosité. Les sons, les odeurs, les instants furtifs de bonheur intense ou sous une pleine lune éclatante, les ailes de rêve bleu déployées, scintillent sur un fond noir constellé pour finir par croiser la trace d'une étoile filante.
L'étrave fend la mer des caraïbes en douceur pour laisser dans son sillage une myriade de plancton phosphorescent qui s'agite aussi loin que porte la vue pour s'assoupir à nouveau.
L'odeur de cette terre qui, poussée par l’alizé, arrive jusqu'à vous bien avant l'escale promise.
Le souffle d'un dauphin qui vous sort de la torpeur d'un quart paisible pour, bondissant, venir vous distraire en virevoltant autour du bateau.
Au hasard d'un mouillage dans l'une des innombrables baies, la tortue,curieuse, qui vient vous saluer, d'un clin d’œil, à quelques mètres de la jupe arrière tandis que vous étiez entrain d'avaler votre café au jour naissant.
Les yeux de Valentin écarquillés et brillants de milles feux lorsque dans un cri de joie, il remonte sa ligne avec au bout, encore un poisson grand comme ça!
Tous ces échanges et partages sincères avec les autres, équipages et autochtones.
Je pourrai lister, comme cela, tous ces moments qui nous font dire combien nous sommes heureux d'être là. De vivre, en famille, notre rêve éveillé. La vie de nomade sur l'eau nous procure tant de satisfactions que nous avons du mal à envisager l'après. Car, après, il y aura.
Depuis quelques temps, avec Sandrine, le sujet revient régulièrement. Ce n'est pas étranger au fait que nous fêtons notre première année d'itinérance et la perspective de la fin de notre aventure nourrit nos réflexions sur notre devenir.
Rien, pour l'instant ne se dessine précisément. Comment pourrait il en être autrement?
Nos interrogations ne devant pas obscurcir la suite du voyage, nous restons ouvert à toutes opportunités oscillant entre nos envies et nos obligations suivant l'humeur du moment.
Rêve Bleu, notre fidèle navire, pour un an encore, nous emmène sans faillir où nous poussent les vents et nos désirs. Son ventre nous assure protection et confort. Nous lui apportons tous les soins nécessaires pour qu'il puisse galoper sans contrainte vers ces bouts de terres qui nous reste à découvrir. Après un an, l'heure du grand toilettage approche. Ce sera chose faite après notre prochaine escale à Cariacou, d'ici quelques jours.
A mesure que la saison des pluies et la perspective de subir les foudres du ciel s'éloigne, nous allons remettre du nord dans le compas en laissant derrière nous les copains dont le programme de navigation les emmènent vers l'ouest. Les îles du Venezuela, Bonaire, les San Blas puis la Colombie et panama. un petit canal à passer et se serra l'immensité de nouveau devant leurs étraves. L'océan pacifique.
A chaque départ, ce sont des "au revoir" déchirants et on se prend à penser "et si on remontait la chaîne pour continuer le voyage ensemble".
Comme Bernard Moitessier qui, sur le point de boucler un tour du monde en course, a fait demi tour au milieu de l'atlantique pour en boucler un deuxième, renonçant par la même aux honneurs et au retour à une vie de terrien,
Je ne l'ai jamais aussi bien compris...
Notre conception raisonnable de l'aventure nous ramène à la réalité et c'est la gorge serré que nous voyons s'éloigner ceux avec qui nous avons partagé de si bons moments pour finir par disparaître derrière l'horizon. Seuls les souvenirs et les promesses de retrouvailles futures subsistent.
Pendant que s'écris ces lignes, un grain grossi au vent de notre position et le tonnerre gronde comme pour appuyer mes propos. Bientôt la pluie va s'abattre sur nous, une grosse pluie tropicale qui transforme la mer en la blanchissant d'un voile laiteux, un grain blanc. Le vent qui monte en rafales fait siffler les haubans tandis que l'eau rebondit sur la surface de la mer, la recouvrant d' un mince brouillard. Si bien que les bateaux alentours flottent entre ciel et mer, tels des fantômes errant au milieux de nul part.
Mais, déja, au loin, le soleil perce l'épais manteau, gris et inquiétant, redonnant au milieu un air plus familier et serein.
Les insectes venus trouver refuge sous la capote dans la tourmente, reprennent leur chemin.
J'ai mis un moment avant de comprendre pourquoi cette invasion avant chaque grain et d'y remédier à grand coup de torchons et autres instruments de mort.
Il suffisait d'observer et laisser faire la nature. Point de génocide requis à la moindre alerte. Ces bébêtes en savent plus que quiconque sur la météo. C'est peut être pour cela qu'elles nous viennent du fond des âges, bien avant l'apparition des bipèdes, parfois stupides, que nous sommes.
Attention, cependant, à ne pas marcher sur la guêpe posée au milieu du cockpit entrain de faire sa toilette. Devant un pied maladroit, sa réaction sera sans pitié, quitte à y perdre la vie, elle vous plantera assurément un souvenir des plus douloureux entre les doigts de pieds. Inutile de faire l'expérience, j'ai testé pour vous. Fin de la leçon de science naturelle.
Il existe pourtant une exception à la bonne cohabitation, le moustique. Plus particulièrement celui appelé familièrement "le tigre" en raison de son abdomen rayé blanc et noir. C'est le porteur et la cause de l'épidémie de dingue et de chikungunya sous les tropiques.
Si nous avons échappé pour l'heure à sa terrible piqûre, lourde de conséquences, bon nombre d'équipage ont vu leurs forces décliner, pour finir aliter pendant plusieurs jours, avec pour seul traitement du paracétamol.
Les symptômes et maux décrit par les malades suffisent à nous badigeonner de crème à longueur de journée en espérant que les répulsifs intégrés agiront sur le plus vampire de ces sales bestioles.
Je n'ai pas encore trouvé un seul scientifique qui m'ai expliquer l’utilité du moustique dans l'environnement si ce n'est celui d'enrichir les labos et autres fabricants desdits produits.
Pour Valentin, plus pirate que jamais, je le vois grandir et prendre de plus en plus d'autonomie. lui, qui avait besoin d'un temps d'observation avant d'aller vers les autres, va, maintenant, spontanément au contact des enfants ou adultes quelque soit leur nationalité. Loin de parler couramment l'Anglais, il le comprend et il arrive toujours à communiquer.
L'école à bord est un des éléments incontournables du voyage. Sandrine tient parfaitement son rôle, même si cela n'est pas facile tous les jours. Les cours du CNED sont très bien fait. Après une mise en route assez cafouilleuse la première année, les choses se présentent mieux à l’entame de la seconde. Seuls les délais d'inscriptions et autres tracasseries administratives nous empêchent d'avoir les cours en temps et en heure. C'est chose faite, nous devrions recevoir l'ensemble des supports à notre prochaine escale, Cariacou.
Depuis le cockpit de rêve bleu aux lumières d'un soleil couchant, nous prenons du recul sur beaucoup de choses. Le temps, précieux capital déjà évoqué, nous permet de nous interroger sur le fonctionnement de nos sociétés. Notre relatif éloignement, aussi, nous donne la distance nécessaire pour analyser une actualité parfois folle et déroutante. Une chose est sure, notre vision sur le monde et notre implication se trouve transformé de jours en jours. Alors, bon anniversaire ... les rêves bleu, comme nous appel souvent les autres équipages.